Le reliquaire
oire de quelques objets d'ici Cette petite boîte en fer blanc si « rustique », si humble, m'a été confiée en héritage par ma mère Georgina. Son grand-père Joseph Corby, dit « Corby les yeux rouges », l'avait trouvée dans une grange qu'il était chargé de nettoyer. Il en a fait cadeau à Georgina, alors enfant, je suppose.
D?après elle c'est un reliquaire, petite boîte à reliques, les reliques ici consistant vraisemblablement en de petits morceaux d'os blanchis par le temps.
Si on osait soulever la petite vitre protectrice, si on osait retirer le petit ruban blanc de son enroulement de guirlande autour des osselets, on pourrait peut-être déchiffrer les mots qui y sont inscrits. Mais non, on ne va pas commettre ce sacrilège, on ne va pas troubler cette paix de tombeau, protégée par la minuscule statuette polychrome d'une vierge portant l'enfant. Le créateur du reliquaire l'a voulue, cette vierge, parée d'une couronne et d'un collier de perles. Sa figure et celle de l'enfant se devinent par deux points pour les yeux et un point plus marqué pour le nez et la bouche. Comme c?est bizarre, tout cet ensemble a du être frais , très coloré , mais les couleurs sont éteintes et seul tranche le cordonnet blanchâtre qui au niveau de la taille relie la statuette à l'intérieur.
Non, elle ne sortira pas de son berceau-cercueil, pas de mon fait en tout cas. Tant pis pour les fils d'or de la doublure qui s'effilochent ! Refermons le couvercle sur tant de mystères.
Mais pourquoi ce reliquaire dans une grange ? A la Révolution, les églises ayant été pillées, il se peut que des objets de piété aient été dissimulés dans des cachettes improbables ou y soient arrivés par hasard.
C'est peut-être grâce à sa simplicité, à son aspect si humble qu'il est maintenant dans mes mains. Internet consulté ne fait état que de beaux reliquaires, joyaux artistiques.
Il est avéré que certaines reliques sont fausses. Je ne saurai rien de celle-ci et c'est bien ainsi.
La petite boîte de fer blanc, soudée de façon rudimentaire, à travers plus de cent ans, me relie à mon arrière grand-père inconnu, Corby les yeux rouges, bedeau entre autres métiers de misère et dont ma mère Georgina a raconté les facéties dans ses mémoires.
Simone, 4 juillet 2006.