Les provisions d'antan

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Ma cousine se souvient des  provisions d’antan 

Sans caddie. Sans super. Sans hyper. Sans supérette. Sans stress. Sans bousculade. Dans les maisons une à une, les réserves entraient  dès les premiers jours d’été  jusqu’à l’approche de l’hiver.

Les moissons finies, c’était le temps du glanage : « Allez, les enfants, on va glaner dans le champ à Germain. » Les épis oubliés se liaient en petits bouquets , égrenés plus tard par les becs gourmands de la volaille.

Parfums de fruits dans la cuisine, couleurs alternées des bocaux de cerises, de prunes, des confitures de pêches ou de groseilles.

 Heures de patience : équeuter les haricots verts, écosser les petits pois, les blanchir, les enfiler dans les fragiles canettes avant la stérilisation dans la lourde lessiveuse sur le feu ronflant.

Récolte du miel doré dégoulinant des rayons de cire blonde, bouche sucrée, jour de fête. Que de joyeuses escalades vers le grenier où s’empilaient les précieux pots bien fermés.

Un bruit sec de bois déversé en avalanche à la porte du sous-sol .Dans nos  bras vite fatigués plusieurs stères de bois  rentraient à l’intérieur. Mon grand-père y officiait seul, pratiquant l’art de ranger les rondins selon leur forme, leur grosseur, de monter le mur de bois  bien  vertical sans faiblesse. Toc- top- top –toc –top ! Les sons du bois cogné chantent encore à mes oreilles,  l’odeur de la forêt ne tarde pas à resurgir.

Au plus profond de la maison la cave recevait les pommes de terre apportées en gros sacs de chanvre. Cachées à l’abri de la lumière, elles étaient la base indispensable , nourriture appréciée et toujours disponible.

Un autre jour, c’était un camion venu d’Egreville. La maison Rocassel livrait le tonneau de vin. On le faisait rouler jusqu’aux cales de bois . Pour le cidre nouveau, il fallait attendre que la bonde ouverte au-dessus du tonneau éjecte sa lie mousseuse . Ensuite, seulement, on pouvait placer la cannelle,  petit robinet de bois qui délivrait pour chaque repas la boisson de la famille.

Deux ou trois fois par an, le camion des établissements Parouteau- tissu et confection- s’arrêtait à notre porte . Ma mère  choisissait des étoffes pour nos robes, des manteaux pour nos hivers, des tabliers pour nos jours d’école. Elle faisait une provision de chaussettes, de linge de corps. Une odeur de tissu neuf et  d’apprêt nous attirait.  Curieux, nous nous pressions pour approcher  tant de nouveautés.

 

Provisions d’épicerie, marchands ambulants, camionnettes venues des villages voisins. L’inoubliable Caïfa  poussant son triporteur plein de trésors savoureux.

 La fratrie s’est dispersée, mais nous ne quittions jamais la maison sans emporter quelques nourritures. J’ai une complaisance précise pour ma boîte à provisions de pensionnaire : boîte en bois , cadenassée ou pas, lien nourricier et affectif avec la famille . Réapprovisionnée chaque mois, elle contenait des trésors de douceurs , en ces temps de guerre. Outre le gros pot de miel à partager avec les camarades, s’y trouvaient un pain d’épices, un peu de beurre , des pommes, parfois deux œufs durs.

 

Provisions, prévision, nourriture , attentions, affection, prévoyances, soins particuliers. Non, je ne suis pas fâchée avec ces provisions-là, naturelles, douces, sources de bien-être, nécessaires.

Travaux annuels où chacun apportait sa part de travail. Petites fourmis préparant le proche avenir.

 

 

 

Publié dans Souvenirs

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